Le Monde 03.02.2018

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Projets d’infrastructure : le rapport Duron bien accueilli par les associations d’opposants

Celles-ci estiment que leurs arguments sur la cherté, la dangerosité, voire l’inutilité de certains chantiers se trouvent confortés dans le document remis à la ministre des transports, Elisabeth Borne.

LE MONDE ECONOMIE | 03.02.2018 à 11h14 | Par Rémi Barroux

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Elles veulent y voir comme une petite victoire. Les arguments des associations d’opposants à de nombreux projets d’infrastructure ferroviaire, autoroutière, etc. – nombre de ces chantiers sont onéreux, dangereux pour l’environnement, voire inutiles – se trouveraient, selon elles, confortés par le rapport sur les mobilités du quotidien, remis par Philippe Duron, le président du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), jeudi 1er février, à la ministre des transports, Elisabeth Borne.

« La transition écologique, et notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des nuisances, n’est pas une option. Elle impose de repenser la mobilité et la hiérarchie des priorités d’investissement », prévient le COI.

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Ce constat, renforcé par des contraintes budgétaires fortes et par les priorités données par Emmanuel Macron aux mobilités du quotidien, porte un coup rude à de nombreux dossiers : les lignes à grande vitesse du Sud-Ouest (Bordeaux-Dax, Bordeaux-Toulouse) ou certaines autoroutes, comme l’A45 prévue pour relier Saint-Etienne à Lyon.

L’un des dossiers emblématiques est le projet de tunnel pour la ligne Lyon-Turin, un projet international signé avec l’Italie et financé aussi à hauteur de 40 % par l’Europe. Si les rapporteurs préviennent qu’ils n’ont pas étudié certains grands projets « actés par ailleurs », comme ce tunnel international, ils remettent en question la réalisation des accès français au tunnel. « La démonstration n’a pas été faite de l’urgence d’engager ces aménagements, dont les caractéristiques socio-économiques apparaissent à ce stade clairement défavorables », estime le COI.

« Au milieu du gué »

Daniel Ibanez, porte-parole historique de l’opposition au Lyon-Turin, juge qu’il s’agit d’un succès… partiel. « C’est clair, cette infrastructure est une source de pertes et ne peut être déclarée d’utilité publique. Mais le rapport s’arrête au milieu du gué. Si les accès ne sont pas nécessaires, la finalité du tunnel ne tient plus », note-t-il.

Les promoteurs du projet se consolent en notant que le tunnel n’est pas remis en cause. « Mais il est paradoxal de réaffirmer le Lyon-Turin, tout en proposant de travailler sur une ligne Dijon-Modane, qui ne fait pas partie du corridor européen du projet initial, financé par l’Europe », s’étonne Hubert du Mesnil, président de la société Tunnel Euralpin Lyon Turin.

Autre réussite pour les associations de défense de l’environnement : le projet d’autoroute A45, entre Saint-Etienne et Lyon, doublant l’actuelle A47. « Le rapport recommande à l’Etat de ne pas signer de concession pour cette infrastructure. C’est une défaite pour ceux qui voulaient aller vite en disant qu’il n’existait pas d’alternative », avance Maxime Combes, opposant local et membre d’Attac.

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Le COI recommande d’ailleurs l’étude sur deux ans des scénarios alternatifs à l’A45. Les élus qui soutiennent la future autoroute ont réagi vertement. « Nous n’en sommes plus au débat, aux études. L’utilité publique du projet a été réaffirmée », a déclaré le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau (Les Républicains).

Pour autant, ce travail sur les mobilités à construire ne doit pas être lu qu’à l’aune des grands projets d’infrastructure contestés. Pour Matthieu Orphelin (La République en marche), député de Maine-et-Loire et membre du COI, « les investissements sont réorientés vers l’entretien des réseaux existants et les mobilités du quotidien. Et il existe de vrais grands projets nécessaires, comme par exemple la résolution du nœud ferroviaire lyonnais », a-t-il déclaré au Monde.